Des émotions au cinéma : Désigné Coupable de Kevin Macdonald

Ce que j’aime le plus au cinéma, c’est les histoires, et les émotions qu’elles me procurent. Bien souvent, je peux mesurer l’amour que j’ai pour un film en fonction du nombre de fois où j’ai pleuré, où j’ai ri et où j’ai été émue. Mes films préférés sont toujours ceux où j’ai le plus ri, le plus pleuré, le plus été effrayée. 

Désigné Coupable est un de ces films dont on ne sort pas indemne. À la fin de la séance, j’étais en colère, émue, frustrée, dégoûtée… J’ai eu envie de changer ma vie, de crier au monde entier d’aller voir ce film, de lui donner toutes les récompenses existantes. 

En rentrant chez moi, j’ai voulu lire la critique du film dans Première, comme pour légitimer mes émotions. J’ai fait cela tout en me questionnant sur la pertinence et l’utilité d’une critique : qui pour me dire que ce film que j’avais tant aimé, qui m’avait tant ému était un bon ou un mauvais film ? N’était-ce pas plus important de se fier à ce que j’avais ressenti uniquement ? Je vous spoile, la critique était très bonne, j’ai donc pu retourner à mes émotions et à mon analyse du film. 

Tiré d’une histoire vraie, Désigné Coupable retrace la vie de Mohamedou Ould Slahi (Tahar Rahim) et son passage à Guantánamo Bay, prison dans laquelle il a été détenu 14 ans sans aucun procès. Ce film se concentre sur sa rencontre avec les avocates Nancy Hollander (Jodi Foster) et Terri Duncan (Shailene Woodley), qui décident de lui venir en aide pour pouvoir obtenir justice. Face à eux s’opposent l’État Américain et l’avocat Stuart Couch (Benedict Cumberbatch). 

Un petit mot tout de même sur les performances des acteurs qui sont tous impeccables :  Jodie Foster, Benedict Cumberbatch mais surtout Tahar Rahim, qui après nous avoir glacé le sang dans Le Serpent passe d’un extrême à un autre avec le rôle de Mohamedou. 

À mes yeux, le film peut se diviser en deux parties, avec comme scène de liaison entre les deux, une scène particulièrement éprouvante mais déterminante dans l’histoire, la scène de torture de Mohamedou. Si pendant la première partie du film, on peut douter de l’innocence de Mohamedou, la scène de torture vient changer cela et change, par la même occasion, radicalement l’attachement qu’on a au personnage. 

C’est sur cette scène que je voudrais m’arrêter un instant car c’est une scène qui illustre parfaitement l’importance des émotions au cinéma

Dans mon souvenir, cette scène est incroyablement longue : j’ai l’impression qu’elle a duré 15 minutes, en réalité elle devait être plus courte, mais cela montre bien à quel point elle est éprouvante. Filmée dans un format carré (peut-être pour donner au spectateur la sensation d’enfermement ?) cette séquence nous montre les tortures morales et physiques que Mohamedou a subi et qui l’ont poussé à faire une fausse confession. 

Devant cette scène, personne ne peut rester de marbre. Si je suis très émotive et que cette scène m’a énervée au point de fondre en larmes, ça reste une scène profondément perturbante par sa violence et par sa véracité. Du côté du spectateur, aussi bien que du côté des protagonistes à qui on raconte cette histoire, cette scène marque un véritable tournant dans le film. Nous éprouvons immédiatement de l’empathie pour Mohamedou et de l’énervement pour le gouvernement américain qui autorise ce genre de tortures. D’un point de vue narratif, elle marque également un tournant car c’est à partir de ce moment là que Nancy Hollander croit en son innocence. Suite à cette scène, l’énervement et le sentiment d’injustice que j’ai pu ressentir continuent de croître dans la deuxième moitié du film et le film se termine sur un véritable ascenseur émotionnel, que je ne vous dévoilerai pas ici. 

Quoi qu’il en soit, toutes ses émotions que m’ont procuré ce film m’ont donné envie de donner du sens à ma vie, de créer quelque chose et de défendre des causes qui me tiennent à cœur. Et c’est pour ça que je voulais vous parler de ce film aujourd’hui, mais plus largement de mon amour pour le cinéma et des émotions au cinéma. 

Au final, Désigné Coupable me laisse avec trois certitudes: celle d’aimer le cinéma, les histoires et les émotions qui vont avec, celle de vouloir plus et celle de vouloir lire les carnets de Guantanamo.