Vivons-nous dans une société violente ? La réponse avec À Plein Temps et Trois Fois Rien

Au mois de Mars, le cinéma français nous a offert de nombreux films, et parmi eux se trouvaient des pépites ! Deux films en particulier ont retenu mon attention : À Plein Temps d’Eric Gravel et Trois Fois Rien de Nadège Loiseau. 

Ces deux films sont dans deux registres différents, thriller pour l’un, comédie pour l’autre – preuve que le cinéma français sait faire beaucoup de choses ! – mais semblent au final dire quelque chose de similaire de notre société. Nous vivons dans une société violente, peu accueillante, qui broie les individus, contraints de survivre au jour le jour. 

Et comment est-ce que cette violence impacte le destin d’une mère célibataire (À Plein Temps) et de trois sans domicile fixe qui gagnent au loto (Trois Fois Rien) ? C’est ce que nous allons voir tout de suite. 

À Plein Temps 

Réalisé par Eric Gravel avec Laure Calamy dans le rôle principal, À Plein Temps nous raconte le quotidien de Julie en temps de grève qui navigue entre Paris et la banlieue. 

Le film est pensé comme un thriller. Mais bien loin des codes du thriller traditionnel, c’est en réalité un véritable thriller du quotidien

Avoir fait ce choix de genre est très intéressant car il permet de mettre en avant le stress du quotidien, et de montrer à quel point il peut nous impacter. À Plein temps est un film très rythmé, qui tient le spectateur en haleine avec une question simple : Julie va-t-elle réussir à survivre à cette semaine de grève ? 

La question de survie est omniprésente dans le film, et le personnage de Julie se retrouve submergée, noyée dans une marée de voitures ou de personnes à maintes reprises

Et c’est ici que la violence de la société entre en jeu. Julie est une mère célibataire dont l’ex-mari paie les pensions en retard. Elle habite dans une zone périurbaine mais est contrainte de travailler à Paris dans un palace en tant que femme de chambre pour pouvoir subvenir aux besoins de ses enfants. En pleine période de grève, alors que son quotidien est déjà bien mouvementé, elle doit composer avec les annulations de la SNCF, la pression de sa hiérarchie et de sa nourrice face à ses retards, les clients irrespectueux et ses ambitions professionnelles. Jusqu’à ce que ce quotidien effréné la pousse jusqu’au burn out

L’interprétation de Laure Calamy est magistrale. J’aime beaucoup cette actrice, mais je dois avouer que j’ai tendance à trouver qu’elle interprète généralement ses personnages d’une façon similaire. Là, je l’ai trouvé incroyable et touchante. La caméra la suit pendant tout le film, et le spectateur va vivre au rythme de sa respiration

Au-delà de cette interprétation, le scénario, le montage et la mise en scène du film sont également exceptionnels. C’est une très belle façon, assez originale, de mettre en avant le ras de bol de la société actuelle. Et ça rejoint parfaitement un thème qui commence à apparaître de plus en plus dans le cinéma français : la critique du capitalisme et de la recherche de profit et d’efficacité au prix de la santé mentale. C’était également le sujet du dernier film de Stéphane Brizé, Un autre monde

À Plein Temps d’Éric Gravel

Avec Laure Calamy. 

Durée : 1h25 

Sortie le 16 mars 2022  

Trois Fois Rien 

Réalisé par Nadège Loiseau, Trois Fois Rien est une comédie sociale qui nous raconte l’histoire de Brindille, Casquette et La flèche, trois SDF qui gagnent au loto et vont rêver à une nouvelle vie. 

Ce trio improbable est porté à l’écran par trois acteurs exceptionnels qui incarnent à la perfection leur rôle : Philippe Rebbot, Antoine Bernard et Côme Levin. La réalisatrice avait déjà travaillé avec ce trio dans son film précédent Le Petit Locataire (2016). 

Le film oscille entre des moments très drôles et des moments très touchants, sans jamais en faire trop. C’est une très belle comédie humaine qui est très bien maîtrisée : aucune lenteur, aucune incohérence. En plus de donner de la visibilité et de l’humanité à ce trio de marginal, le film va également mettre en avant (une nouvelle fois) la violence d’une société qui ne facilite aucunement leur intégration. 

Alors qu’on pourrait croire que gagner au loto est une opportunité inouïe pour trois sans-abris qui vont alors réussir à réinsérer une société dont ils ont longtemps été exclus, ce n’est en réalité pas le cas. Les démarches administratives s’accumulent et se mordent la queue. Sans justificatif de domicile, ils ne peuvent pas toucher les gains, mais sans pièce d’identité, impossible de louer un appartement et sans justificatif de domicile, impossible de faire une pièce d’identité. 

Le film semble proposer une réflexion sur la question de la violence de la société mais également sur l’envie que pourrait avoir quelqu’un d’intégrer, ou de ré-intégrer, cette société capitaliste qui soumet les individus à des normes strictes. Je vous laisse aller voir le film en salle pour découvrir ce qu’il adviendra de ses trois gagnants atypiques. 

Enfin, il faut souligner la bande son du film qui est incroyable. Écrite par Guillaume Loiseau, le mari de la réalisatrice, elle est directement inspirée de la fanfare et communique sa bonne humeur au film. 

Vous l’avez compris, j’ai beaucoup aimé ces deux films français, et je vous invite vraiment à aller les découvrir vous même. C’est une excellente façon de prendre conscience du fonctionnement de notre société et de réfléchir à notre mode de vie. Mais c’est également deux très bons films, bien écrits, bien maîtrisés et incroyablement interprétés.  

Trois Fois Rien de Nadège Loiseau

Avec Philipe Rebbot, Antoine Bernard et Côme Levin. 

Durée : 1h34

Sortie le 16 mars 2022