Pour son premier long métrage de fiction, la réalisatrice franco-portugaise explore la relation fusionnelle entre une enfant et sa grand-mère, et fait rentrer les fantômes dans la réalité avec un naturalisme surprenant.
Issue d’une famille portugaise mais vivant en France, Salomé, 9 ans, passe tous ses étés dans un petit village du Portugal. Elle pêche, elle se promène, mais elle assiste surtout sa grand-mère, dont elle est très proche, lors de rituels occultes. Un jour, cette dernière, accusée de sorcellerie et maudite (probablement parce qu’elle aurait volé le mari de sa voisine), meurt subitement. Toute la famille se retrouve alors pour préparer les obsèques, mais pendant que les adultes se disputent, Salomé commence à avoir l’impression que l’esprit de sa grand-mère n’est jamais vraiment parti…
Partir de l’intime…
Pour écrire son premier long métrage de fiction, Cristèle Alvès Meira part d’une expérience personnelle : celle de la mort de sa grand-mère et des conflits que sa sépulture a entraînés dans sa famille. En plongeant dans l’intimité d’une famille particulièrement marquée par l’émigration portugaise, Alma Viva met en exergue les écarts sociaux qui peuvent se créer au sein d’une fratrie, donnant alors naissance à de violents conflits. Conçu comme un drame intimiste, particulièrement réussi et naturaliste, le film expose aussi la complexité des relations familiales, bouleversées et fragilisées par la mort d’un proche. Avec cette œuvre, la réalisatrice rend hommage à la fois à la richesse d’une culture régionale, et à l’importance des rituels et de la transmission transgénérationnelle, à travers le portrait de la relation entre Salomé et sa grand-mère.
… pour raconter le fantastique
Oscillant entre le film naturaliste, proche du documentaire, et l’œuvre teintée de fantastique, Alma Viva surprend, fascine et permet à Cristèle Alvès Meira de s’imposer comme une réalisatrice à surveiller de près. En invitant un certain réalisme dans les séquences les plus surréalistes, et préférant jouer sur le crédible que le spectaculaire, la réalisatrice réinvente la représentation de la possession au cinéma, en s’inspirant des croyances et pratiques liées à la sorcellerie. Aux croisements de tous ces mondes (celui des adultes et celui de l’enfance, le mystique et la réalité), se trouve une petite fille, brillamment incarnée par Lua Michel (fille de la réalisatrice) et dont le regard clair contient ce qu’il faut d’innocence et de mystère.
Qui est Cristèle Alvès Meira ?
Franco-portugaise, Cristèle Alvès Meira commence sa carrière artistique en France par le théâtre, à la fois comme comédienne et comme metteuse en scène. En 2007, elle se lance dans la réalisation avec son premier documentaire Som & Morabeza qui étudie la question de l’immigration de la population portugaise en Afrique. L’année suivante, elle tourne son deuxième documentaire Born in Luanda sur la jeunesse angolaise. À partir de 2014, elle se tourne vers la fiction avec plusieurs courts métrages primés dans de nombreux festivals : Sol Branco (2014), Campo De Viboras (2016), Invisivel Heroi (2018), Tchau-Tchau (2020). Alma Viva est son premier long métrage de fiction. Il a été projeté à la Semaine de la critique à Cannes en 2022, et sélectionné pour représenter le Portugal aux Oscars 2023.
Trois autres histoires pleines d’esprits :
El Agua d’Elena Lopez Riera – une autre ode à la transmission et aux légendes urbaines.
Samhain de Kate Dolan – une autre histoire de possession (démoniaque cette fois) et d’une famille maudite.
Falcon Lake de Charlotte Le Bon – une autre histoire de fantôme, teintée de réalisme.
ALMA VIVA, de Cristèle Alves Meira. Avec Lua Michel et Jacqueline Corado. Au cinéma le 12 avril.