Dans La Ligne, Ursula Meier tisse une fresque familiale dans laquelle s’entremêlent les regrets, les rancœurs, les espoirs et l’amour. Avec une ambiance sonore particulièrement agressive, la réalisatrice déroule sous nos yeux la tragédie d’une famille de musiciennes, déchirée après l’agression violente de la mère (Valeria Bruni Tedeschi, odieuse) par la fille (Margaret, incarnée par Stéphanie Blanchoud). Condamnée par la justice, cette dernière va avoir l’interdiction de s’approcher à moins de 100 m du domicile familial et de sa mère.
La ligne comme repère spatial
Pour ce drame familial intimiste, Ursula Meier va à l’encontre des représentations habituelles et le situe en plein air. À l’intérieur oppressant attendu se substitue un extérieur plus naturel mais tout aussi étouffant – le village étant entouré de montagnes. Ce cadre spatial est cependant défini et réduit par la décision de la justice, et incarné par une ligne bleue, peinte par la plus jeune des sœurs, Marion. De manière assez visuelle, cette ligne apporte à la fois du tragique et de l’absurde à toutes les situations, faisant alors de La Ligne un digne héritier des grandes tragédies grecques, un parallèle qui est d’ailleurs renforcé par la scène d’ouverture.
La ligne comme symbole héréditaire
La Ligne est un film complexe qui explore les liens indéfectibles qui unissent les membres d’une famille. Ici, les femmes de cette famille sont marquées par un amour pour la musique. C’est à la fois ce qui les sauve (comme pour le personnage de Margaret) et les accroche les uns aux autres (comme pour le personnage de Marion). Si des zones de flou demeurent quant aux passés des personnages (nous laissant la possibilité d’y projeter ce qu’on souhaite), le film illustre bien la complexité des liens familiaux qui rendent parfois la cohabitation difficile mais la séparation encore plus. De manière assez fataliste, Ursula Meier démontre que ces évènements marqueront profondément les protagonistes, malgré leur volonté de passer outre. Les cicatrices seront en tout ça là pour leur rappeler l’existence de cette ligne.
Qui est Ursula Meier ?
Réalisatrice franco-suisse, Ursula Meier signe avec La Ligne son troisième film. Après des études de cinéma en Belgique, elle se lance dans la réalisation en 1998 avec un premier court métrage, Des heures sans sommeil, primé dans plusieurs festivals. Dix ans après, elle réalise son premier long métrage Home, sélectionné au Festival de Cannes et nommé pour 3 Césars. 4 ans après, c’est son deuxième long métrage qui séduit le public international. L’Enfant d’en haut, sorti en 2012, reçoit l’Ours d’argent au Festival de Berlin et est sélectionné pour représenter la Suisse aux Oscars. Elle se lance ensuite dans la production avec un documentaire sur L’Opéra de Paris en 2017. En 2018, elle est présidente du Jury de la Caméra d’Or au Festival de Cannes, un prix décerné à un premier film. Elle commence à travailler sur La Ligne juste avant le début de la pandémie.
La Ligne, d’Ursula Meier
Avec Valéria Bruni Tedeschi, Stéphanie Blanchoud et India Hair
Au cinéma le 11 janvier