Ma Nuit est le premier film d’Antoinette Boulat. Directrice de casting renommée, elle livre un premier film touchant, sincère et poétique, dans lequel il va être question de deuil, de masculinité toxique et d’incertitude.
Dans Ma Nuit, le spectateur suit Marion, une jeune femme de 18 ans, lors d’une soirée à Paris. Au cours de cette soirée, Marion rencontre Alex, un jeune homme de 23 ans qui va l’accompagner pendant une partie de sa balade nocturne.
Derrière cette histoire en apparence simple, Antoinette Boulat dresse en fait le portrait d’une génération en perpétuel questionnement. Cette errance nocturne permet également de poser la question de ce que signifie être une femme seule à Paris la nuit.
La majorité du film se passe pendant la nuit et Marion déambule seule. Cela permet à la réalisatrice de mettre en avant une certaine forme de masculinité qui semble penser que la rue lui appartient. On suit donc dès le début une femme dans un environnement hostile avec des prédateurs.
Mais le film est également une réflexion sur le deuil et sur les traumatismes. Marion est une jeune femme qui souffre de la perte de sa soeur, décédée il y a 5 ans, probablement dans un attentat même si cela ne nous ai jamais vraiment confirmé directement. C’est en cela que le film fait preuve d’une grande intelligence : il montre et fait ressentir les choses sans avoir besoin de les clarifier par la parole.
Ma Nuit est alors une réflexion sur les traumatismes, le deuil et la vie. Comment fait-on pour vivre avec la perte d’un être cher ? Et comment fait-on pour vivre quand la peur est partout ?
Le film en fait c’est la lutte d’une jeune femme pour rester en vie et ne pas se laisser emporter par ses démons dans un environnement hostile. Pour elle, la violence est partout. Dans la rue, avec la présence de la masculinité toxique. Chez elle, avec le rappel du décès de sa sœur. Mais aussi en elle, où elle porte ce traumatisme.
D’un point de vue esthétique, le film est très soigné. Les plans sont bien composés avec un vrai travail de mise en scène qui joue avec l’architecture de Paris. Le film est très lumineux, d’abord grâce aux interprétations tout en douceur de Lou Lampros et Tom Mercier, les deux personnages principaux. Mais aussi grâce au travail de lumière effectué. La réalisatrice a d’ailleurs confié avoir choisi les lieux de tournages en fonction de la lumière et ça se ressent.
De plus, le film est tourné au format carré. Le même format que pour le film Enquête sur un scandale d’état de Thierry de Perretti, sorti en février dernier. Et là où je n’avais pas vraiment aimé ce format dans ce film, je trouve que dans Ma Nuit il prend tout son sens.
Parce qu’en fait ce format va permettre d’isoler plus facilement les personnages. Alors ça va être utile pour nous faire ressentir la solitude du personnage de Marion, mais ça va aussi permettre d’accorder encore plus d’importance au propos des personnages.
Le film réfléchit au mal-être de cette génération qui est confrontée aux attentats, à une pandémie, aux guerres. À certains moments, les réflexions des personnages semblent pouvoir s’adresser aux spectateurs directement. Et dans ce cas, le format carré va prendre tout son sens car il va rendre le propos plus solennel. À ce sujet, il y a une très belle scène avec une infirmière à un moment, où le conseil que l’infirmière donne à Marion semble en fait être un conseil universel adressé directement aux spectateurs. Un message de la réalisatrice à son audience en quelque sorte.
Je ne veux pas vous en dévoiler plus, mais je vous invite vraiment à aller découvrir ce film en salle si vous le pouvez. Malheureusement le film n’est pas très bien distribué, mais si vous avez l’occasion, c’est un film qui vaut le détour et qui propose une très belle réflexion sur notre génération et sur notre époque actuelle.
Ma Nuit d’Antoinette Boulat
Avec Lou Lampros, Tom Mercier, Emmanuelle Bercot
Durée : 1h27
Sortie le 9 mars 2022