Oscillant entre réalisme et fantastique, le premier film de la réalisatrice espagnole est un récit initiatique mystérieux, porté par l’interprétation magistrale de Luna Pamies.
Dans un petit village de l’arrière pays espagnol, un groupe d’ami.es essaie de profiter de leur été en luttant contre l’ennui. Parmi eux Ana, qui tombe amoureuse de José, alors qu’une tempête menace de faire déborder le fleuve qui traverse le village. Une légende urbaine se répand alors au cœur du village : lors d’une inondation, certaines femmes seraient amenées à disparaître, emportées par le fleuve qui les appelle à lui. Récit initiatique mystérieux à la fois réaliste et fantastique, El Agua permet surtout de révéler Luna Pamies, l’interprète lumineuse d’Ana, dont c’est le premier rôle et qui décroche ainsi une nomination comme meilleur espoir féminin aux Goyas (les Césars espagnols).
S’inspirer de son vécu
Pour son premier film, la réalisatrice Elena Lopez Riera s’inspire de sa famille et des histoires qu’on y racontait : c’est sa grand-mère qui lui a conté la légende au cœur du film. Tourné dans le village dans lequel elle a grandi (qui est également le village de l’actrice principale), El Agua tend vers le documentaire malgré sa dimension fantastique.
À l’aide de témoignages livrés face caméra, d’images filmées au téléphone lors des inondations et d’extraits de journaux télévisés, la réalisatrice parvient à capter cette réalité dans laquelle les croyances sont fortement ancrées. Telle est la beauté et la force de El Agua : documentariser une légende urbaine.
Transmission et libération de la parole
“C’est très beau de recevoir cette parole libérée qui se réinvente et se réapproprie un récit. Mon envie de faire des films vient vraiment de là. J’ai grandi avec des femmes qui aimaient raconter des histoires et chérissaient la parole” explique Elena Lopez Riera. El Agua est aussi et surtout une ode à la transmission. Une transmission qui se fait à la fois par la parole et les histoires qu’on se raconte, par les gestes qu’on se transmet (comme dans la famille de José) et les rituels qu’on perpétue (comme la magnifique course de pigeons mise en scène dans le film).
Aidée par la prestation des actrices (Luna Pamies en tête, mais aussi Bárbara Holguín, la mère d’Ana, et Nieve de Medina, la grand-mère) et son rythme assez lent, presque contemplatif, El Agua dégage quelque chose de très doux, offrant par la même occasion une représentation remarquable d’une famille de femmes qui s’épaulent, s’entraident et veillent l’une sur l’autre. Derrière ses airs fantastiques, El Agua est terriblement réaliste et peint le portrait délicat d’une jeunesse qui se construit dans un univers fragile.
Qui est Elena Lopez Riera ?
Elena Lopez Riera est une réalisatrice et scénariste espagnole. Diplômée de communication audiovisuelle, elle enseigne également la littérature comparée à l’Université de Madrid et à Valence. Elle tourne son premier court métrage en 2015, Pueblo, qui est présenté à la Quinzaine des réalisateurs à Cannes. Elle réalise ensuite deux autres courts métrages : Las Visceras (2016) puis Los que desean, primé au Festival de Locarno en 2018. Ce dernier court-métrage documentaire semble avoir inspiré la réalisatrice pour El Agua : tous les deux contiennent une séquence similaire avec une course de pigeons. Projeté à la Quinzaine des Réalisateurs à Cannes en 2022, El Agua est son premier long métrage.
EL AGUA, un film d’Elena Lopez Riera, avec Luna Pamies, Bárbara Holguín et Nieve de Medina.
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