« Blue Jean » de Georgia Oakley, un brillant survival movie, intime et politique

Avec son premier long métrage, la réalisatrice britannique dévoile une œuvre subtile et engagée qui dresse le portrait d’une femme qui tente de protéger son identité dans un univers qui lui est hostile. 

Crédit : UFO Distribution

En 1988, l’Angleterre de Margaret Thatcher vote l’Article 28, un amendement qui empêche la promotion de “l’acceptabilité de l’homosexualité en tant que prétendue relation familiale”, entraînant une stigmatisation encore plus importante de la communauté LGBTQ+. 

C’est dans ce contexte qu’évolue Jean (merveilleusement interprétée par Rosy McEwen), professeur d’éducation physique dans un lycée, contrainte de cacher son homosexualité. Quand une nouvelle élève menace de révéler son secret, Jean va devoir redoubler d’effort pour camoufler son identité. 

C’est dans ce contexte qu’évolue Jean (merveilleusement interprétée par Rosy McEwen), professeur d’éducation physique dans un lycée / Crédit : UFO Distribution

Un survival movie des temps modernes

Que seriez-vous prêt.es à faire pour vous protéger ? C’est une des questions qu’explore Blue Jean, le premier film de Georgia Oakley, en suivant l’histoire de Jean, personnage qui évolue dans une société homophobe, illustrée par des seconds rôles et une trame de fond politique omniprésente

Jean fait de son mieux pour se fondre dans le paysage, comme le souligne la réalisatrice et son équipe (la costumière Kristy Halliday et la décoratrice Soraya Gilanni Viljoen notamment) en l’habillant dans des teintes bleutées qui se mélangent aux décors, une façon très esthétique d’accentuer l’impossibilité de Jean de s’affirmer complètement. 

Jean fait de son mieux pour se fondre dans le paysage / Crédit : UFO Distribution

Avec beaucoup de délicatesse, la réalisatrice (également scénariste) dresse le portrait d’une femme qui ne peut pas assumer son identité et qui va voir son comportement se modifier par peur d’être mise en danger.

Une génération marquée par l’homophobie

Blue Jean pose aussi la question de la représentation et de la responsabilité. Comment aider son prochain quand on est soi-même menacé ? Comment s’affirmer dans un environnement qui fait tout pour nous stigmatiser ? 

Avec Blue Jean, Georgia Oakley va bien au-delà de l’histoire personnelle et dévoile comment une loi politique (abrogée uniquement en 2003 en Angleterre) influence la construction de l’individu et de la société. Tout en montrant comment l’homophobie se fabrique et comment cela déteint également sur les relations futures. 

Blue Jean pose aussi la question de la représentation et de la responsabilité. / Crédit : UFO Distribution

Pour servir son propos, la réalisatrice peut compter sur les interprétations impeccables de ses actrices, Rosy McEwen en tête, mais aussi Kerrie Hayes et Lucy Halliday. Blue Jean est alors un film de la révélation : la révélation de soi, celle de jeunes comédiennes, mais surtout de Georgia Oakley, qui s’impose comme une cinéaste à suivre de très près.

L’héritage de la Section 28 est encore vivace, et c’est seulement un exemple de l’homophobie institutionnelle que doit endurer chaque jour la communauté LGBTQ+. Nous avons essayé de rappeler tout cela via l’histoire de Jean, de montrer qu’un coming out n’est pas un épisode isolé mais une bataille quotidienne […] C’est la décision d’extérioriser son identité queer en arborant tel vêtement ou telle coupe de cheveux, ou au contraire de la masquer, pour se faciliter la vie.”

Georgia Oakley, la réalisatrice dans sa note d’intention.

Qui est Georgia Oakley ? 

Georgia Oakley est une réalisatrice et scénariste britannique. Elle se lance dans la réalisation avec son premier court métrage Frayed (2013) suivi de Callow & Sons l’année suivante. En 2017, elle dévoile son troisième court métrage Little Bird, sélectionné au festival de Tribeca où il remporte le prix du scénario. 

La plupart de ses courts métrages ont en commun la présence d’un personnage féminin fort, et Blue Jean, son premier long métrage ne déroge pas à la règle. Multi-primé, le film a notamment remporté le Prix du Public de la Giornate Degli Autori, une sélection parellèle de la Mostra de Venise en 2022, ainsi que le BAFTA du meilleur premier film en 2023.

BLUE JEAN de Georgia Oakley, avec Rosy McEwen, Lucy Halliday. Au cinéma le 19 avril.

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