« L’Homme d’argile » d’Anaïs Tellenne, dans la peau d’une muse

Le premier film de la réalisatrice française explore la rencontre entre Garance et Raphaël, et bouleverser les représentations habituelles de la muse et de l’artiste dans un conte organique et émouvant.

Dans L’Homme d’argile, il est avant tout question de la rencontre entre deux individus, une rencontre qui leur apporte un nouveau souffle. D’abord pour Garance (Emmanuelle Devos), artiste plasticienne et héritière du manoir dans lequel elle vient se réfugier un soir, à la recherche d’un nouvel élan. Mais surtout Raphaël (incarné par Raphaël Thierry, révélé dans L’Envol et toujours étonnant), le gardien de ce manoir jusque-là abandonné, dont le quotidien bien organisé va être bouleversé. Car lorsqu’elle rencontre cet homme au physique imposant, Garance décide d’en faire sa muse… 

Lorsqu’elle rencontre cet homme au physique imposant, Garance décide d’en faire sa muse / Crédit : New Story

Un film organique 

Il y a quelque chose de fantastique dans ce premier long métrage d’Anaïs Tellenne, dans tous les sens du terme. Des ambiances orageuses et venteuses qui nous rappelleraient presque le Frankenstein de Mary Shelley (1818), à son attachement à filmer les textures – la peau d’abord, mais surtout l’argile avec lequel Garance façonne ses oeuvres -, L’Homme d’argile se présente comme un conte singulier et inspiré dans lequel les sensations sont exacerbées

L’artiste et son muse 

À travers la relation entre ses deux personnages, L’Homme d’argile questionne le rapport de l’artiste à sa muse, et avec beaucoup d’ingéniosité, Anaïs Tellenne décide de renverser les rôles traditionnels : l’artiste est cette fois une femme, et la muse (le museau ?) un homme. Mais la cinéaste ne s’arrête pas là. 

Le film nous invite à observer comment le regard que Garance pose sur lui bouleverse Raphaël / Crédit : New Story

Au lieu de décider de plonger dans l’intériorité de l’artiste et d’explorer le processus créatif de cette derrière, la réalisatrice s’attache plutôt à dépeindre l’intériorité de la muse. Avec douceur, le film nous invite à observer comment le regard que Garance pose sur lui bouleverse Raphaël. Et c’est là, la véritable révolution.

La scène à ne pas manquer ? 

Une séquence particulièrement érotique – qui concurrencerait presque celle de l’aiselle dans Portrait de la jeune fille en feu de Céline Sciamma (2019) – dans laquelle Emmanuelle Devos sculpte de l’argile. 

Qui est Anaïs Tellenne ? 

Scénariste et réalisatrice française, Anaïs Tellenne commence sa carrière artistique par le théâtre et joue notamment dans des représentations des pièces Les Fourberies de Scapin de Molière ou Le Conte d’hiver de William Shakespeare. Mais rapidement, la cinéaste se tourne vers la réalisation, d’abord avec des courts métrages : 19 juin en 2018, Le Mal bleu (co-réalisé avec Zoran Boukherma) et Modern Jazz en 2019. En 2023, elle dévoile son premier long métrage L’homme d’argile, présenté au Festival de Venise. 

L’HOMME D’ARGILE d’Anaïs Tellenne, avec Emmanuelle Devos et Raphaël Thierry. Au cinéma depuis le 24 janvier (New Story, 1h34)

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