Barbie de Greta Gerwig (qui est une de mes cinéastes préférées) est-il véritablement le grand film féministe, pop et bouleversant que j’espérais tant ? Ma réponse est ici !
Edito : Barbie, Greta et moi
Ayant joué avec des Barbie toute mon enfance – même si la plupart ont fini en Weird Barbie – et Greta Gerwig étant devenue en deux films (Lady Bird, 2017 et Les Filles du Docteur March, 2019) une de mes cinéastes préférées de tous les temps, je ne pouvais qu’avoir extrêmement hâte de découvrir son troisième long métrage Barbie. Ajoutons à ça mon admiration pour Margot Robbie et sa société de production LuckyChap Entertainment – dont le but est de produire des films avec des personnages féminins puissants et à qui on doit notamment Promising Young Woman d’Emerald Fennell (2019).
Dire que je me suis rendue à ma séance de Barbie (toute de rose vêtue) avec beaucoup d’enthousiasme et d’attente serait un euphémisme. Avec ses décors ultra-colorés (j’adore), ses personnages déjantés (j’adore aussi) et ses costumes tellement Barbi-esque (fan encore une fois), Barbie est à la fois tout ce que j’attendais et un véritable casse-tête. Après deux visionnages et des heures de réflexions, Barbie est-il véritablement le grand film féministe, pop et bouleversant que j’espérais tant ? Ma réponse est ici !
Barbie est une fête
Avec sa bande originale ultra-pop (de Lizzo à Dua Lipa en passant par Charli XCX), ses décors et ses costumes rose fluo, le film Barbie ressemble à un savant mélange entre un parc d’attractions, une soirée disco et une pyjama party, et tout le monde y est invité !
Maniant le second (troisième et quatrième) degré et l’ironie à la perfection, Greta Gerwig et Noah Baumbach (le co-scénariste) offrent de très très beaux moments de rires et d’émotions, faisant véritablement de Barbie une merveille de divertissement dans laquelle chacun trouvera chaussures (à talons) à son pied (bien courbé). Aussi bien les fans du multivers et des scènes de combat que les amoureux de comédie musicale !
Bienvenue à Barbie Land
Avec Greta Gerwig aux manettes, quelque chose de plus profond se cache forcément sous ce vernis rose pailleté.
En choisissant d’opposer notre monde réel à Barbie Land, la réalisatrice met en avant de façon très ingénieuse le décalage qui existe entre ce que Ruth Handler a voulu faire en créant Barbie (donner aux petites filles la possibilité de se projeter dans différentes carrières, créer un monde dans lequel les femmes ont le pouvoir…) et notre réalité, soulignant ainsi la complexité de la figure iconique de Barbie, qui a toujours rencontré de vives critiques.
Jouant sur la thématique des univers parallèles et du renversement des rôles de genre, Greta Gerwig illustre avec son sens de la pédagogie habituel, le traitement sexiste réservé aux femmes dans notre société et les inégalités qui continuent de persister entre les genres. Une première séquence dans notre réalité souligne brillament à quel point l’expérience du regard des autres dans la rue peut être différente pour un homme et pour une femme.
Humaine avant tout
Si Barbie est principalement un jouet à destination des enfants, le film de Greta Gerwig est tout sauf ça. Au contraire, le troisième long métrage de la réalisatrice américaine semble avoir été conçu sur-mesure pour apporter aux femmes le réconfort et la sororité dont elles ont besoin. “Être une femme, c’est épuissant, mais nous vivons cette expérience collecivement” semble-t-on nous dire à travers le monologue, entre une fois très didactique mais incroyablement juste, du personnage de Gloria (America Ferrera), qui met en lumière les impossibles standards auxquels les femmes sont soumises.
À l’image de la vie et des sentiments humains, Barbie est complexe, multiple, déroutant, émouvant et amusant, et c’est tant mieux !
Patriar-Ken
Ne pas reconnaître que Ken (Ryan Gosling) est un des points humoristiques forts du film serait de la mauvaise foi, notamment grâce à la performance drolatique de son interprète.
Dans un premier temps, Ken est une figure(ine) potiche et l’accessoire insignifiant de Barbie : un rôle souvent tenu par des personnages féminins dans de nombreux films d’action. Puis, lassé de ne pas recevoir d’amour et d’attention de la part de Barbie, il se transforme en un masculiniste viriliste (clin d’œil aux incels ?). S’appropriant la maison de rêve de Barbie, il la transforme en une véritable man cave – ou Mojo Dojo Casa House pour les intimes.
Tourné en dérision, les Ken (ainsi que les dirigeants de Mattel) permettent à la réalisatrice de proposer une réflexion toujours pleine d’humour sur la construction sociale qu’est le patriarcat et ses dérives : un bel exemple de mansplaining est illustré dans une scène très réaliste.
Greta Gerwig enrobe toutefois son propos d’une grande bienveillance, préférant présenter Ken comme un homme un peu perdu mais finalement inoffensif (pour qui le patriarcat signifie que les chevaux dirigent le monde), plutôt que comme un être véritablement machiavélique et dangereux.
Best-seller ou fin de série ?
Indéniablement, Barbie aborde de manière très efficace et accessible les bases des thématiques féministes, offrant à tout le monde un bel aperçu de la condition féminine, puis humaine.
Soucieux de s’adresser à un large public, l’équipe du film et les dirigeants de Mattel qui co-produisent le film, ont à de nombreuses reprises refusés de décrire le film comme féministe, préférant le thème “humaniste”. Cette envie de ne froisser personne finit par se ressentir dans le film qui aurait pu offrir davantage de représentation.
Néanmoins, en laissant à Greta Gerwig assez de liberté pour créer un film qui lui ressemble, et en acceptant d’être la cible de quelques railleries, Mattel s’offre bien évidemment un magnifique coup de projecteur (et de publicité) grâce à un film franchement réussi !
Cette Barbie est rassembleuse, et on lui prédit une longue vie aussi bien dans les salles de cinéma que dans le catalogue produit de Mattel !
Qui est Greta Gerwig ?
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