« Neptune Frost » de Saul Williams et Anisia Uzeyman, un ovni au-delà des frontières des genres

Fruit de 10 ans de travail, Neptune Frost explore de nombreuses thématiques importantes tout en repoussant les limites des différents genres, à la fois cinématographiques et sociétaux. 

Bande annonce de Neptune Frost / Crédit : Cinemalovers e.V.

Dans un univers qui ne semble pas si éloigné du nôtre, Matalusa, mineur de coltan, fait la rencontre d’un groupe de cyber-pirates anticolonialistes. Alors qu’une révolution se prépare, il croise la route de Neptune, hackeur intersexe qui va devenir une figure de cette rebellion virtuelle…

Pour leur premier long métrage, projeté à la Quinzaine des Réalisateurs à Cannes en 2022, les réalisateur.ices Saul Williams et Anisia Uzeyman puisent dans leur imagination (que l’on devine débordante), pour donner vie à un objet visuel non identifiable, qui défie tous les codes établis. 

Une œuvre hybride sur tous les plans

Difficile d’assigner un genre à Neptune Frost, tant le film ne cesse de passer de l’un à l’autre, à l’image des personnages de Matalusa et Neptune. Bercée par le musique de Saul Williams (co-réalisateur, scénariste mais aussi compositeur), l’œuvre s’ouvre sur une séquence réaliste, presque documentaire, avant de basculer dans l’onirisme et la science-fiction

Difficile d’assigner un genre à Neptune Frost, tant le film ne cesse de passer de l’un à l’autre, à l’image des personnages de Matalusa et Neptune / Crédit : Cinemalovers e.V.

À ce mélange troublant s’ajoute aussi dans les décors et les costumes, une association surprenante entre une atmosphère très futuriste et un côté plus organique. À contre-courant de toutes nos attentes, ce premier long métrage est déroutant, difficilement saisissable mais extrêmement ambitieux.

Le film est aussi en révolte contre les formes narratives traditionnelles. En tant qu’artistes nous devons souvent nous affirmer en disant qu’on ne veut pas que notre carrière prenne telle ou telle direction, écrire une histoire sous une forme calibrée, demander de l’argent de cette façon… Le fait de ne faire aucun compromis, c’est à la base du projet. Nous voulions préserver notre liberté pour pouvoir écrire l’histoire de personnes africaines avec leur langage, leurs perspectives

– Saul Williams, le réalisateur
À contre-courant de toutes nos attentes, ce premier long métrage est déroutant, difficilement saisissable mais extrêmement ambitieux / Crédit : Cinemalovers e.V.

Une œuvre engagée et politique

Derrière son côté très esthétique et ses inspirations cyberpunk, Neptune Frost se ressent avant tout comme un chant révolté contre toutes formes d’oppression, du colonialisme au capitalisme en passant par le patriarcat. Le caractère indéfinissable du film devient alors une allégorie du refus des personnages d’être catégorisé.es, exploité.es ou encore défini.es eux même selon des critères arbitraires et obsolètes.

Complexe, dense et révolté, Neptune Frost est une véritable expérience de cinéma, probablement clivante, mais dans tous les cas marquante. 

Qui sont Anisia Uzeyman et Saul Williams ?

Ainisa Uzeyman est une actrice, réalisatrice et auteure française d’origine rwandaise. En 2013, elle joue dans le film Aujourd’hui d’Alain Gomis, où elle rencontre Saul Williams, acteur, réalisateur et poète américain. Ce dernier commence à travailler sur Neptune Frost la même année, à la fois sous forme d’un roman graphique et d’une comédie musicale. Il en écrit alors le scénario et compose la musique. En 2021, il le co-réalise avec Anisia Uzeyman, qui a réalisé un premier moyen métrage en 2016, Dreamstates, film expérimental tourné entièrement à l’iPhone. Neptune Frost est leur premier long métrage et il a été projeté à la Quinzaine des Réalisateurs à Cannes en 2022. 

NEPTUNE FROST, de Saul Williams et Ainisa Uzeyman avec Cheryl Isheja et Elvis Ngabo. Au cinéma le 10 mai.

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