« Noémie dit oui » de Geneviève Albert, un film radical et éprouvant

Le premier film de la réalisatrice dévoile sans compromis la violence de la réalité liée à la prostitution des mineur.es et au tourisme sexuel, porté par une interprète impeccable.

Bande Annonce de Noémie dit oui de Geneviève Albert / Films du Québec

Noémie a 15 ans et vit dans un centre de jeunesse. Alors qu’elle apprend que sa mère ne souhaite pas la récupérer au domicile familial, elle fugue et part retrouver son amie Léa à Montréal. Là-bas, elle fait la connaissance de Zach, un proxénète manipulateur, dont elle tombe rapidement amoureuse. Il l’encourage alors à tenter l’expérience de la prostitution le temps du Grand Prix de Formule 1 à Montréal, un évènement qui chaque année favorise le tourisme sexuel. Prise au piège, Noémie finit par consentir.

TW : le film parle de prostitution des mineur.es et de violences sexuelles et contient de nombreuses scènes d’une grande violence. 

Une mise en scène choquante

Les premières minutes du film ne laissent aucun doute. Noémie dit oui nous place au plus proche de son personnage principal. Une décision que Geneviève Albert assume, même dans les séquences de prostitution, particulièrement éprouvantes, filmées de manière répétitive et exhaustive, avec un décompte qui vient accentuer la gravité de la situation. 

Noémie dit oui nous place au plus proche de son personnage principal. / Crédit : Wayna Pitch

Grâce à sa mise en scène méthodique, la réalisatrice crée une certaine proximité entre son personnage principal et son audience, et retranscrit le dégoût et l’épuisement de Noémie lors de ces trois jours au Grand Prix de F1, sans pour autant la sexualiser inutilement.

Optant toujours pour le réalisme plutôt que pour le sensationnalisme, Noémie dit oui est une représentation éreintante de l’entrée dans la prostitution des mineur.es, tout en dressant un portrait sordide des violences subies par les femmes dans nos sociétés. 

Pour filmer les scènes de prostitution, j’ai choisi de pointer ma caméra vers les clients de Noémie. Ainsi, s’ils jouissent habituellement d’une invisibilité dans la société, les clients sont de chair et de sang dans mon film : ils ont un visage, un corps, une voix. Ils sont concrets, ils sont ordinaires, et ils sont nombreux. Ce parti pris de la répétition conjuguée à une mise en scène frontale rend ardues voire insoutenables les scènes de prostitution. Et c’est là tout le propos de Noémie dit oui. L’instant d’un film, j’ai voulu qu’on ne puisse pas ignorer l’horreur. Qu’on ne puisse pas s’en détourner.”

– Geneviève Albert, la réalisatrice
Au cœur de Noémie dit oui, Kelly Depeault, comédienne stupéfiante / Crédit : Wayna Pitch

Kelly Depeault : une révélation

Au cœur de Noémie dit oui, Kelly Depeault, comédienne stupéfiante, révélée en 2020 avec La Déesse des mouches à feu d’Anaïs Barbeau-Lavalette. Grâce à son regard expressif, elle retranscrit à la perfection la complexité du personnage de Noémie, à la fois fragile et fougueuse, désirant par-dessus tout être aimée et avoir un foyer.

Inspirée de femmes que la réalisatrice a rencontrées lors de l’écriture du scénario, Noémie représente à la fois une individualité et un collectif : “L’histoire de Noémie en est une parmi d’autres. Une histoire si fréquente qu’elle en devient banale” explique la réalisatrice dans sa note d’intention. 

À ses côtés, des personnages masculins, tous plus infectes les uns que les autres, et Léa, une ancienne résidente du centre de jeunesse de Montréal, ambivalente et elle aussi piégée par un proxénète quand elle était mineure. À travers ces personnages, parfois très archétypaux mais toujours bien interprétés, Noémie dit oui raconte sans misérabilisme, une histoire peu représentée au cinéma.

Noémie dit oui raconte sans misérabilisme, une histoire peu représentée au cinéma. / Crédit : Wayna Pitch

Qui est Geneviève Albert ? 

Diplômée de cinéma à Montréal, Geneviève Albert commence sa carrière de réalisatrice avec des courts métrages documentaire : Reviens-tu ce soir ? (2008) et La traversée du salon (2011). En 2014, elle commence à travailler sur son premier long métrage Noémie dit oui, portée par une nécessité de traiter du sujet :  « C’est la seule réponse que j’ai trouvée pour contrer mon sentiment d’impuissance à l’égard de la prostitution” déclare-t-elle. Tourné en 2021, le film est sorti au Canada en avril 2022.

NOÉMIE DIT OUI de Geneviève Albert, avec Kelly Delpeault. Au cinéma depuis le 26 avril.

>>> Lire aussi : QUAND TU SERAS GRAND REMET L’HUMAIN AU CENTRE DE TOUTES LES PRÉOCCUPATIONS