Rodeo de Lola Quivoron, derrière la polémique, de quoi parle le film ?

Coup de cœur du Jury Un Certain Regard à Cannes, le premier film de Lola Quivoron, Rodeo, a été au cœur d’une violente polémique. Une phrase de la réalisatrice sur le cross-bitume et les violences policières a choqué, et le film a été perçu comme un film glorifiant la pratique du cross-bitume, pratique illégale en France et causant de nombreux accidents. Sauf que ce n’est pas vraiment de ça dont il s’agit dans le film…

Derrière la polémique

Lola Quivoron a réagi sur cette polémique à de nombreuses reprises. Il y a quelques jours, elle déclarait au micro de France Inter : “Cette phrase ne reflète pas ce que je pense. Elle a été tordue un peu dans tous les sens, caricaturée, beaucoup, et ce n’est qu’une facette de la réalité, encore une fois. […] Ce n’est pas parce que je pointe cette réalité-là que j’oublie toutes celles qui existent, et notamment les faits divers toutes les deux semaines.« 

Avant ça, la réalisatrice avait déjà fait une mise au point dans les pages du Parisien : “On a très vite associé mon film aux rodéos urbains, aux rodéos sauvages, des termes qui qualifient une pratique marginale, dangereuse, qui a lieu sur la voie publique, au milieu des voitures et des piétons. Or je ne mets en scène aucun rodéo urbain. […] On ne peut pas dire que je fais l’apologie du rodéo urbain et sauvage puisqu’il n’y en a tout simplement pas dans mon film”.

Rodeo met surtout en avant un “sport mécanique” pratiqué à l’écart des villes, sur des routes sans circulation : un sport de passionnés, extrême et artistique, mais incroyablement dangereux. Cette dangerosité ne sera jamais oubliée dans le film et le spectre de la mort y est omniprésent. Mais Rodeo est surtout un film qui montre le parcours d’une femme dans un milieu extrêmement masculin

Un film de cinéma vraiment réussi

Le film est une immersion très réussie dans le microcosme du cross-bitume. Et c’est logique, car la réalisatrice a passé sept ans à se documenter sur ce milieu. Avant ce long métrage, elle avait réalisé un premier court métrage Au Loin Baltimore (2015) qui explorait déjà cet univers méconnu. 

Rodeo est un film brutal, survolté et sonore. Il demande un peu d’effort au spectateur pour entrer pleinement dans l’histoire mais la photographie et la bande son retiennent facilement notre attention. D’ailleurs, la scène de générique (magistrale) permet d’illustrer pleinement cette puissance qui se dégage du film, et de la fusion entre Julia (le personnage principal interprété par une véritable bikeuse, Julie Ledru) et sa moto. 

Mais c’est la deuxième partie du film qui est vraiment intéressante pour comprendre le cœur du film : la difficulté pour une femme de faire sa place dans un milieu masculin, machiste et misogyne. Alors si Julia devient une “sorcière” (insulte qu’elle reçoit lors d’une soirée), Rodeo devient à la fois un film de braquage et un drame social, qui oscille entre brutalité et douceur avec brio. Et la moto devient pour les protagonistes un moyen de se libérer et de vivre intensément

Si la première partie du film peut laisser certains sur le bas côté, la deuxième partie parviendra à les agripper au vol. Grâce à l’énergie du film et des jeunes acteurs mais aussi à la passion de la réalisatrice qui filme cet univers avec beaucoup de réalisme, sans jamais chercher à édulcorer la réalité. Qu’on aime le film ou non, force est de constater que Lola Quivoron maîtrise son sujet et sa caméra

« La polémique va vite disparaître, Rodeo va rester », réagit Lola Quivoron, Allociné, Brigitte Baronnet, 3 septembre 2022 : https://www.allocine.fr/article/fichearticle_gen_carticle=18713360.html

«Je ne fais pas l’apologie du rodéo urbain et sauvage» : la mise au point de Lola Quivoron, réalisatrice du film «Rodeo», Le Parisien, Grégory Plouviez, 25 juillet 2022 : 

https://www.leparisien.fr/culture-loisirs/cinema/je-ne-fais-pas-lapologie-du-rodeo-urbain-et-sauvage-la-mise-au-point-de-lola-quivoron-realisatrice-du-film-rodeo-25-07-2022-NRQ2XNDRCFGYLDTYYZG7K6LTB4.php

Rodeo 
Un film de Lola Quivoron
avec Julie Ledru et Antonia Buresi 
Durée : 1h45
Sortie au cinéma le 7 septembre