Pour son premier long métrage, la réalisatrice américaine adapte sa pièce Is this a room tirée de l’interrogatoire de Reality Winter par le FBI, et livre un huis-clos poignant qui dresse le portrait d’une jeune femme aux multiples facettes.
Le 3 juin 2017, Reality Winter, linguiste vétérante de l’US Air Force employée par les services secrets américain et suspectée d’avoir diffusé des informations classifiées, est interrogée par le FBI à son domicile. Du procès-verbal de cet entretien, Tina Satter en a tiré la pièce de théâtre Is this a Room ? – qui remporte un grand succès à New York en Off-Broadway depuis 2019 – puis son premier long métrage Reality.
Pour porter à l’écran l’histoire de Reality Winter, Tina Satter s’inspire directement de la transcription de l’interrogatoire du FBI en conservant chaque dialogue mot pour mot, hésitation pour hésitation, respiration pour respiration.
À cette matière première aussi réaliste que surprenante – dans laquelle les agents du FBI interrogent Reality sur ses animaux de compagnie, sa pratique du yoga ou encore ses fusils de couleur rose – la réalisatrice ajoute des photographies provenant d’archives ou des réseaux sociaux de Reality. Ces éléments ancrent définitivement le film dans la réalité, lui infusant un côté presque documentaire et proposant alors une nouvelle façon de faire cohabiter le réel et la fiction au cinéma.
Un huis-clos angoissant
En choisissant de rester si proche du réel, Reality aurait pu finir par être un film de fiction retranscrivant de manière assez plate et didactique des événements passés. Mais Tina Satter déjoue ce piège avec brio ! Grâce à une mise en scène prenante, utilisant habilement le côté angoissant du huis clos et la sensibilité des informations dévoilées dans les documents en question, elle apporte à son récit une tension bienvenue, offrant à son audience la possibilité de partager le ressenti de sa protagoniste principale.
Car au cœur de Reality (le film), il y a bien sûr Reality (la personne). La réalisatrice dresse alors le portrait d’une femme riches en contradictions et trompant tous les stéréotypes de genre attendus.
Sydney Sweeney au sommet
Brillamment incarnée par Sydney Sweeney – la révélation de la série Euphoria qui a depuis plus que prouvé l’immensité de son talent (Nocturne de Zu Quirke en 2020 ou encore la série The White Lotus en 2021) – , Reality apparaît tour à tour comme mystérieuse, menaçante, intimidée ou effrontée.
Assumant son identité, sa singularité et ayant visiblement l’habitude d’évoluer dans un milieu masculin, cette linguiste anciennement militaire se démène pour se défendre devant les enquêteurs du FBI qui envahissent son intimité, au sens propre – l’interrogatoire se déroule dans la maison de Reality – comme au sens figuré – avec des questions de plus en plus personnelles.
Suivant l’évolution psychologique de Reality, qui sent l’étau se refermer autour d’elle, ce premier film est une petite révolution qui dévoile une vérité aux yeux de tous les spectateurs du monde entier – autant d’un point de vue politique que du point de vue de la personnalité de Reality Winter -, tout en faisant de Sydney Sweeney et Tina Satter deux noms du cinéma américain à surveiller de très près.
Qui est Tina Satter ?
Dramaturge, scénariste et réalisatrice américaine, Tina Satter fait ses premiers pas au théâtre. En 2019, elle écrit et monte sa première pièce Is this a Room ?, qui fait sa première en Off-Broadway au Vineyard Theater en Octobre 2019. Plébiscitée par le public, cette pièce qui s’inspire déjà de l’interrogatoire de Reality Winter par le FBI permet à la dramaturge de décrocher la bourse Guggenheim en 2020 – un prix qui récompense ceux qui ont fait preuve d’une “capacité créative exceptionnelle dans le domaine des arts”.
Reality est son premier long métrage. Après avoir fait sa première à la Berlinale en février 2023, le film sort dans les salles françaises le 16 août.
>>> Lire aussi : « BARBIE » DE GRETA GERWIG, DES POUPÉES À L’ASSAUT DU PATRIARCAT